- BIRUNI
- BIRUNIAb l-Ray ム n Mu ムammad b. A ムmad al-B 稜r n 稜 (ou B 勒r n 稜) naquit à K th, capitale du Khw rizm, ou peut-être dans un faubourg d’où il aurait tiré son nom de B 稜r n 稜 (persan: b 稜r n , à l’extérieur). Selon A. M. Belenitski, il serait issu d’une famille pauvre et artisanale (il fait lui-même allusion à la gêne qu’il connut étant jeune, et il parle de sa mère en la désignant, selon une expression coranique [S. 111, 4], comme «porteuse de bois»). Il aurait nourri dans ce milieu son goût des manipulations concrètes. On lui connaît un maître, le mathématicien Ab Na ルr Man ル r b.‘Aly b.‘Ir q al-Djil n 稜. Mais, comme son tempérament le portait à rechercher et à cultiver les contacts humains, on peut supposer qu’il sut très tôt tirer parti de la situation privilégiée de sa ville natale, carrefour où se croisaient marchands, voyageurs et hommes de science, parmi lesquels il trouva des informateurs et des maîtres. Ainsi, dans la préface de son traité sur les drogues, il parle d’un Grec avec qui il identifie les plantes, médicinales et autres, en lui demandant leur nom dans sa langue (ce qui était très important pour utiliser les sources grecques, Dioscoride, Galien, Oribase, Paul d’Égine). Il semble avoir très vite connu et parlé plusieurs langues: le sogdien, l’arabe, le turc, le persan, le syriaque, l’hébreu et le grec (bien qu’il ait en général lu les ouvrages grecs en traduction). Plus tard, il apprit le sanscrit et divers dialectes de l’Inde. En même temps, sa curiosité portait sur l’ensemble de la terre habitée (al-ma ‘m ra , l’œcoumène).Le savantEn 995, B 稜r n 稜 effectue des mesures astronomiques dans le sud du Khw rizm, sur la rive gauche de l’Am Dary , avec des instruments dont l’importance semble prouver qu’il travaillait dans un observatoire officiel. Il se rend auprès du sultan s m nide Man ル r II b. N ム (997-999), qu’il a loué comme son premier bienfaiteur. Mais des troubles ont lieu dans le pays: le prince de Gurgandj, Ma’m n b. Mu ムammad, renverse l’ancienne dynastie et prend le titre de Khw rizmsh h. B 稜r n 稜 quitte alors son pays. C’est à ce moment sans doute qu’il fait un bref séjour à Rayy, où vraisemblablement il étudie les œuvres d’Ab Bakr Mu ムammad b. Zakariyy al-R z 稜 (Rhazès), dont il compose la bibliographie. Puis il se rend à Djurdj n, à la cour du ziy ride Q b s b. Washmg 稜r, dont la puissance s’était affermie dans ce pays en 998. C’était là un centre où se réunissaient de nombreux savants. Selon R. Wright, B 稜r n 稜 entretint des relations avec ce prince jusqu’à son retour dans sa patrie qui doit se situer avant le renversement de Q b s (1012). C’est à cette époque que B 稜r n 稜 compose son grand ouvrage les Vestiges des siècles passés , appelé couramment Chronologie.Dans la Chronologie , B 稜r n 稜 signale plusieurs de ses ouvrages antérieurs: Livre du témoignage tiré du désaccord des observations (qui traite des mesures astronomiques); Des rayons et des lumières dépouillés des sottises inscrites dans les livres (sur le problème de la projectio radiorum , calcul trigonométrique des deux points de l’écliptique coupés par un cercle de 60, 90 ou 120 degrés ayant pour centre une planète); Avertissement contre l’art de faire illusion que sont les jugements astrologiques et Livre des soleils guérisseurs des âmes (sur la conjonction des astres et la durée de la vie humaine déterminée par les seules planètes); Histoire des Mubayyida et des Qarmates (il s’y réfère dans son chapitre sur les «ères des pseudo-prophètes»); Livres des merveilles de la nature et des étrangetés de l’art (sur les incantations, les charmes et les talismans).Pendant son séjour à Djurdj n, B 稜r n 稜 s’intéresse à la mesure exacte du degré du méridien terrestre. Les résultats obtenus avant lui ne concordaient pas. Il remarque qu’il est indispensable de pouvoir disposer d’une vaste étendue de territoire, en se gardant des contrées où la surface du sol est inégale: «J’ai choisi pour cela un lieu situé dans le Dihist n, entre Djurdj n et le domaine des Turcs Ogh z. Mais le sort ne me fut pas favorable...» Selon le savant indien S. H. Barani, B 稜r n 稜 aurait tenté deux fois cette mesure: la première, dans son pays; la seconde à Ghazna.Un homme mêlé aux débats de son époqueC’est sous le règne d’Ab ’l-‘Abb s (1010-1017) que B 稜r n 稜 devait jouer un rôle important. Nous connaissons ce que fut son activité politique et diplomatique à cette époque par les extraits de son Histoire du Khw rizm conservés par Bay ムaq 稜. Son but était avant tout l’indépendance de son pays, menacée par une aristocratie militaire, soucieuse de ses seuls intérêts.B 稜r n 稜 écrit alors son traité sur les poids spécifiques de différents métaux et pierres précieuses. De cette époque date également sa correspondance avec Avicenne sur des questions de physique et de philosophie de la nature (question du vide, de la propagation de la chaleur, de la dilatation des corps, de la réflexion et de la réfraction de la lumière). Il critique l’application à la physique des thèses spéculatives issues de la philosophie d’Aristote, mais il prend un ton très polémique et Avicenne cesse de répondre.En 1017, Ma ムm d le Ghaznévide annexe le Khw rizm. B 稜r n 稜 est emmené prisonnier à Ghazna et manque d’être mis à mort comme suspect de tendances qarmates. Sauvé par un vizir, sa situation reste difficile. Il vit treize ans sous le règne de Ma ムm d, devient peut-être son astrologue officiel et l’accompagne en Inde. Il y enseigne la science grecque, traduit des ouvrages indiens en arabe et dirige ou réalise lui-même des traductions en sanscrit des Éléments d’Euclide, de l’Almageste de Ptolémée, et d’un de ses propres livres sur l’astrolabe.De cette période datent d’importants ouvrages: l’Histoire du Khw rizm ; le Livre de la fixation des limites des lieux , ouvrage géographique qui présente également un intérêt paléontologique et géologique, et qui contient un passage sur la construction d’un canal entre la Méditerranée et la mer Rouge; le Livre pour faire comprendre les principes de l’astrologie ; et surtout le Livre sur l’Inde , qui consigne ses observations, ses enquêtes, ses lectures et ses réflexions.Ma ムm d meurt en 1030. Sous le sultan Mas‘ d, la situation de B 稜r n 稜 s’améliore. Il compose un traité, «éloigné de la manière ordinaire des astronomes et de leur terminologie», sur les différences de longueur de la nuit et du jour. Il dédie au prince son grand ouvrage d’astronomie, al-Q n n al-Mas‘ d 稜 , terminé en 1066. Dans l’ensemble, B 稜r n 稜 suit Ptolémée, mais il s’en écarte sur plusieurs points: il tient, par exemple, que l’apogée du Soleil n’est pas immobile. S’il admet le géocentrisme, il montre cependant que les faits astronomiques peuvent s’expliquer à partir de l’hypothèse que la Terre tourne autour du Soleil. On lui doit du reste un traité sur le Repos de la Terre et son mouvement.B 稜r n 稜 composera encore deux ouvrages bibliographiques. L’un est consacré aux écrits de R z 稜. L’autre fait le bilan de ses propres œuvres; il y parle de ses espoirs de jeunesse, de ses difficultés, de ses maladies, et l’on en vient à admirer sa ténacité. À la fin de sa vie, il se consacre à la minéralogie: Recueil des pierres précieuses et écrit le Livre des drogues médicinales. On a longtemps admis qu’il mourut en 1048, mais de plus récents travaux repoussent cette date à 1050.Un esprit encyclopédiqueB 稜r n 稜 a mené des recherches dans presque toutes les disciplines connues de son temps, l’alchimie exceptée. On lui doit le meilleur exposé sur le système des chiffres indiens; il a corrigé plusieurs tables astronomiques et développé des vues originales, fondées sur des observations scrupuleuses. Il s’est occupé de météorologie, de cartographie (particulièrement par un système de projection stéréographique simplifiée de son invention), d’arpentage; il a déterminé scientifiquement la qibla (orientation vers La Mecque pour la prière) en différents lieux de la Terre. S’il s’est livré à des mesures et à des descriptions astronomiques, il a exercé son esprit critique sur l’astrologie judiciaire. Appliquant des méthodes scientifiques à la géographie et à la physique, il en vient à voir dans la vallée de l’Indus un ancien bassin marin. La physiologie des plantes, la relation entre les espèces, la disposition et le nombre des pièces florales ont compté parmi ses préoccupations, et il s’est même intéressé au dessalement de l’eau de mer. Mais, à la différence d’Avicenne, il ne s’intéresse pas personnellement et directement à la médecine.En historien des civilisations, il a fixé, pour chaque peuple connu, un calendrier et cherché à déterminer les règles qui permettraient de parler pour eux d’un passage d’une ère à une autre. Il a relevé les coutumes, les croyances religieuses ou superstitieuses, selon une méthode qu’il expose au début de sa Chronologie : elle consiste à mener des enquêtes objectives sans rien déduire a priori et à bien distinguer la réalité des faits sociaux et humains de l’interprétation plus ou moins mensongère que les peuples intéressés en donnent eux-mêmes.Dans son livre sur l’Inde, il apparaît comme un historien de la philosophie et comme un adepte de l’étude comparative des religions, confrontant surtout les pensées hindouiste, grecque, musulmane (soufisme), chrétienne ou juive. D’un mot, il est fort en avance sur son temps. Il a eu, en effet, l’idée que le langage humain, imprégné de toutes sortes de valeurs subjectives liées aux diverses mentalités, et souvent porteur de croyances irrationnelles et mythiques, ne répond pas aux exigences de l’expression scientifique. Seul y est approprié le langage mathématique, qui offre une absolue précision, car il est tel que chaque signifiant a un signifié et un seul, et que chaque signifié est désigné par un signifiant et un seul. Ce langage garantit donc une parfaite précision objective. On comprend que B 稜r n 稜 ait été séduit par l’introduction de l’Almageste , dont le titre grec est Syntaxis mathematikè (construction mathématique). Ptolémée y démontre que les études astronomiques doivent se fonder sur les représentations mathématiques, et non sur la physique, à l’inverse de ce qu’avait fait Aristote. Sur ce point, B 稜r n 稜, dans son Q n n Mas‘ d 稜 , se montre encore plus exigeant que son maître alexandrin. Son petit traité sur les Fondements de la science astronomique, sorte de manuel, part de considérations géométriques et arithmétiques. Il définit les êtres géométriques à partir du corps, ramené aux trois dimensions, c’est-à-dire du corps mathématique, à la différence d’Avicenne, qui considérait le corps physique et le définissait par la «corporéité» (djismiyya ). Et, à la différence d’Euclide, qui commençait par la définition du point comme «ce dont il n’y a pas de partie», il introduit la surface comme la limite du corps, la ligne comme la limite de la surface, le point comme la limite de la ligne.Notons enfin que, pour B 稜r n 稜, tout ce qui est ou apparaît a une cause réelle, que la science peut découvrir, au moins par des hypothèses rationnelles. C’est ainsi qu’il examine scientifiquement, au lieu de les rejeter comme des illusions chimériques, certaines croyances superstitieuses: un de ses amis, connu pour son esprit critique et positif, lui avait rapporté qu’un homme, piqué par un serpent venimeux en Inde, avait été guéri à la suite des incantations d’un groupe de brahmanes. B 稜r n 稜 émet l’hypothèse que le chant et la musique (on dirait aujourd’hui les ondes sonores) avaient pu avoir sur l’organisme un effet bénéfique.B 稜r n 稜 n’eut pas à proprement parler de disciples. Il prenait soin lui-même de répandre ses idées et le résultat de ses travaux, et il était en relation avec des cercles de savants. Certains d’entre eux ont même rédigé des livres «en son nom». Il faut entendre par là, semble-t-il, non qu’ils les lui ont dédiés, mais qu’ils les ont écrits sous son inspiration.Biruni(Abu-r-Rayhan Al-) (Abû r-Rayhân al-Bîrûnî) (973 - 1048) savant arabe, d'origine iranienne.
Encyclopédie Universelle. 2012.